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Compte-rendu de la journée du 18 décembre 2019 : la GBCP, ce qu’elle a introduit dans la gestion des politiques publiques
jeudi 16 avril 2020
Cette journée s’est déroulée au lycée polyvalent Beaupré à Haubourdin.
INTERVENANT : Pierre Laurent SIMONI – Contrôleur budgétaire régional – DRFiP Hauts-de-France
Avant l’ouverture des travaux, Vincent SIMON, président de l’association, souhaite qu’un hommage soit rendu à Virginie Lelong, fondée de pouvoir au lycée Senez à Hénin-Beaumont, suite à sa disparition. La journée d’échanges de ce jour lui est dédiée. Il procède à la lecture d’un courrier adressé par son époux et ses enfants à l’ensemble des collègues ayant côtoyé Virginie. L’assemblée se lève pour une minute de silence en sa mémoire.
Au nom de l’association il adresse ses remerciements au lycée BEAUPRE d’Haubourdin, et en particulier à Mme Suzy DESCAMPS, gestionnaire agent comptable, pour l’accueil qui nous a été réservé.
Le président remercie ensuite M. Pierre-Laurent SIMONI, contrôleur budgétaire régional, pour le temps qu’il a accepté de consacrer à cette matinée d’échanges, et pour l’intérêt qu’il a immédiatement témoigné à ce projet de rencontre.
1 - Intervention de M. SIMONI
INTRODUCTION
Le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique a déjà sept ans. Ce texte est un texte fondateur en matière de finances publiques : il se substitue au décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, et constitue le principal texte d’application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 [1]. Par son ambition, la mise en œuvre de ces 230 articles s’avère infiniment plus complexe que celle de la LOLF elle-même.
Cette complexité est surtout constatée du côté des organismes soumis au décret GBCP plutôt qu’au sein de l’État, pour lequel le décret GBCP ne fait que consolider des dispositions existantes de nature règlementaire ou infra-règlementaire. Pour ces organismes, en effet, il s’agit de modifier l’organisation budgétaire et comptable existante : la comptabilité budgétaire, comportant une comptabilité d’engagement et une comptabilité de caisse, devient la comptabilité « maîtresse » et la comptabilité générale, une comptabilité complémentaire, support du contrôle de gestion et nécessaire à l’alimentation de la comptabilité nationale.
Dans la mise en œuvre d’une telle démarche, les sujets relatifs au système d’information sont fondamentaux. Cette problématique a été déterminante pour les universités (choix de SIFAC ou de la suite logicielle Cocktail), tout comme elle l’est actuellement dans le contexte du projet MF² porté par le ministère de l’Éducation nationale pour les EPLE. La réussite de la mise en œuvre de la GBCP est étroitement corrélée à l’adaptation des systèmes d’information budgétaire et comptable par les éditeurs. Il a été difficile pour ces derniers de trouver les ressources humaines techniquement compétentes dans les délais impartis pour livrer des SI parfaitement opérationnels. Dans les universités par exemple, il demeure encore trop de retraitements manuels des données issues des SI encore, alors que l’ambition était une automatisation de nombreuses tâches. L’introduction de la GBCP est d’autant plus difficile que les organisations sont complexes, puisque la démarche nécessite la redéfinition des processus internes ; or cette dimension n’a pas été suffisamment anticipée.
Les dernières universités à être « entrées en GBCP » l’ont fait il y a seulement deux ans (1er janvier 2017).
L’ORIGINE DE CE TEXTE
Les ambitions des initiateurs du texte étaient multiples :
- disposer d’un texte unifiant droit comptable et droit budgétaire, qui relevaient jusqu’alors de sources diverses ;
- introduire le droit « dérivé » de la LOLF ;
- stabiliser le champ d’application de la comptabilité publique ;
- rénover le cadre de gestion des organismes majoritairement financés par des fonds publics ;
- sécuriser juridiquement les dispositifs de modernisation des processus et circuits financiers (application budgétaire et comptable de l’État CHORUS, contrôle hiérarchisé de la dépense, service facturier) ;
- mettre l’accent sur le contrôle interne financier.
Le travail d’élaboration a été long (plus de deux ans), et a associé un grand nombre d’acteurs (DAF ministérielles, Cour des comptes, Autorité des normes comptables, Comité de normalisation des comptes publics).
PÉRIMÈTRE
Le décret conserve l’articulation du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique avec :
- Un titre premier réaffirmant et réactualisant les principes fondamentaux, et applicable à toutes les entités soumises à la comptabilité publique (État, Collectivités Territoriales et leurs établissements publics, Établissements publics de santé, autres organismes relevant de la notion d’Administration Publique (APU) au sens européen du terme).
- Un titre II applicable à l’État
- Un titre III unifiant et modernisant le cadre budgétaire et comptable des autres organismes (autre que l’État, les CT et leur EPL et les EPS)
Les organismes soumis au titre III du décret correspondent peu ou prou au champ des administrations publiques utilisé par la Commission européenne pour comparer les trajectoires budgétaires pluriannuelles des pays membres.
Les organismes soumis au seul titre Ier ne connaissent pas d’évolution, en dehors du rappel des exigences de qualité comptable.
UN TEXTE AMBITIEUX
Ce texte a l’ambition de regrouper l’ensemble des règles de gestion comptable mais également de gestion budgétaire, qui sont définies réglementairement pour la première fois.
Il réaffirme les principes fondamentaux de la comptabilité publique : séparation de l’ordonnateur et du comptable, responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public, unité de caisse et de trésorerie des organismes, règle du service fait, dépôt des fonds au Trésor.
Dans la lignée de la LOLF, il confirme que les normes comptables applicables à l’État sont celles applicables aux entreprises, sauf spécificité liée à l’action des personnes publiques.
Sur les aspects comptables, plusieurs novations sont notables :
- sur les organisations financières, les centres de service partagés entre plusieurs ordonnateurs et le service facturier pour le comptable ;
- sur les modes de contrôle, sécurisation du contrôle hiérarchisé de la dépense et du contrôle allégé en partenariat ;
- sur les circuits, la dématérialisation des actes et des pièces justificatives et la faculté de conservation des pièces par l’ordonnateur.
La qualité comptable y est définie et posée comme une obligation qui doit irriguer l’ensemble de la gestion des administrations publiques et dont le comptable est le garant. Cette exigence de qualité implique la mise en place d’une démarche de contrôle interne comptable et budgétaire et d’un dispositif d’audit interne. Ces mécanismes de contrôle en "cascade" ont pour finalité la certification des comptes de l’État et de ses établissements publics par la Cour des comptes.
Le contrôle interne comptable ne doit pas être uniquement le sujet du comptable public ; si ce dernier peut en être l’initiateur et produire les constats des dysfonctionnements, le contrôle interne comptable doit permettre à l’ordonnateur de rectifier ses processus. Le contrôle interne budgétaire relève du champ de l’ordonnateur.
Sur la mise en place de ce contrôle interne, le bilan est mitigé à ce jour. Dans les Hauts-de-France, 75 % des organismes ont entamé la démarche ou la réflexion à des degrés très divers, mais la mise en œuvre concrète est lente et difficile. Au sein de l’État, la démarche est également très inégalement développée d’un ministère à l’autre ; elle reste encore en grande partie un sujet d’administration centrale.
S’agissant de l’Éducation nationale, l’audit interne est mené par des inspecteurs généraux de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche. La trajectoire est longue compte tenu des problèmes de vivier d’auditeurs et de la formation de ces derniers ; par ailleurs, pour que les auditeurs puissent travailler de manière utile, il importe que le contrôle interne ait connu un développement significatif préalablement.
Or le déploiement du contrôle interne comptable en académie est très disparate. Certains rectorats ont été très productifs et sont parvenus à installer une vraie culture du contrôle, source de progrès dans les procédures ; d’autres ont déployé le contrôle interne de manière trop technocratique sans qu’ait été démontrée la plus-value du dispositif (sécurisation des agents au travers de fiches de poste précises, d’organigrammes fonctionnels nominatifs, de chaînes d’habilitation…).
L’absence d’outil axé sur les processus n’a pas facilité ce déploiement.
LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOLF
La refonte du titre II « État » précise les règles de la gestion budgétaire et comptable résultant de l’application de la LOLF : dans son cadre, ses acteurs et ses documents.
S’agissant de l’État, il définit les rôles de l’ensemble des acteurs de la gestion issue de la LOLF : le responsable de programme, le responsable de budget opérationnel de programme, le responsable d’unité opérationnelle et le responsable de la fonction financière ministérielle. Chacun de ces acteurs doit avoir la qualité d’ordonnateur.
Les documents prévisionnels de gestion ont été redéfinis et constituent le fondement de l’exercice d’un contrôle budgétaire axé essentiellement sur la soutenabilité budgétaire ; en particulier, le document de programmation budgétaire doit s’étendre au moins sur deux exercices pour mieux appréhender les conséquences des choix budgétaires.
Le rôle du contrôleur budgétaire a été reprécisé : il est strictement recentré sur la soutenabilité budgétaire aussi bien pour l’État que pour les organismes soumis au contrôle budgétaire, ce qui exclut donc toute appréciation de nature juridique sur les actes d’engagement et de recrutement. Une attention nouvelle est portée au contrôle des emplois et à celui de la masse salariale, qui donnent lieu à la production d’un document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnels soumis à l’avis des contrôleurs.
L’IMPACT SUR LES ORGANISMES
Le décret GBCP introduit pour les organismes relevant du titre III un cadre budgétaire plus proche de celui de l’État (LOLF) avec un budget voté comportant des états en autorisations budgétaires et en droits constatés. La limitativité porte ainsi sur : les autorisations d’engagement ; les crédits de paiement consommés au moment du décaissement ; un plafond d’autorisation d’emplois.
Ce nouveau cadre budgétaire résulte du constat que la situation financière des organismes financés principalement par des ressources publiques ne résulte pas d’un réel cycle d’exploitation, mais principalement du montant des subventions qui leur sont octroyées, et du rythme de versement de ces subventions. Dès lors, les éléments les plus pertinents d’analyse de la soutenabilité de leur activité sont les prévisions de décaissement et d’encaissement à court et moyens termes et le niveau de leur trésorerie.
Naturellement, les éléments de comptabilité générale viennent enrichir l’analyse, notamment en matière d’actifs et d’investissement.
Le pilotage des organismes soumis à la comptabilité budgétaire par la trésorerie est donc une orientation nouvelle de la gestion publique : l’interdiction de recourir à l’emprunt, la possibilité de moduler les rythmes de versement des subventions au regard de la trésorerie disponible et des mesures ponctuelles de prélèvement sur les trésoreries montrent que l’État développe une approche consolidée de sa gestion de trésorerie. Il est en effet peu raisonnable que l’État emprunte pour financer ses organismes alors que ces derniers disposent de « matelas » financiers conséquents.
Pour ces organismes, la reddition des comptes est largement accélérée puisque l’adoption du compte financier doit intervenir dans un délai de dix semaines à compter de la clôture de l’exercice et la saisie dans l’infocentre DGFiP avant la fin du mois d’avril.
Si les règles de gouvernance ont été maintenues dans ces différents organismes, ce maintien est parfois un frein au déploiement du décret GBCP.
CONCLUSION
Un certain nombre d’organismes publics sont restés au milieu du gué. La phase d’appropriation est trop récente pour en tirer des conclusions. Un état des lieux pourra être dressé d’ici trois ans environ.
Pour l’État, on peut noter une accélération significative de la chaîne de la dépense, avec un délai de paiement de 12 jours en moyenne, gage de modernisation de l’organisation budgétaire et comptable. CHORUS semble être un outil performant, mais à l’échéance de 2025, son éditeur a annoncé qu’il ne le maintiendrait plus. Quel sera l’après-CHORUS ? Quelles évolutions associer à cette nouvelle échéance ?
L’amélioration en termes de qualité de la gestion publique est-elle significative ? Il faut remettre en perspective la volonté de responsabiliser les gestionnaires, et la raréfaction de l’argent public qui, de fait, a rogné les marges de manœuvre que la LOLF leur avait accordées. La responsabilité et l’autonomie accrue que leur accordait ce texte ont disparu du paysage. L’approfondissement de la déconcentration n’a pas conféré aux préfets plus de marges de manœuvre.
Les réflexions actuelles portent sur une nouvelle phase de déconcentration et un allègement des contrôles externes en contrepartie d’une amélioration de la qualité de gestion et d’un renforcement des contrôles internes. Un travail important de concertation associant les échelons déconcentrés de l’État a été entrepris, faisant remonter des attentes importantes en la matière, mais mettant en évidence des freins liés aux compétences et aux effectifs disponibles au plan local.
Une autre problématique demeure : comment associer les ordonnateurs au plus haut niveau, à cette qualité comptable et cette qualité de gestion, et comment les convaincre de l’intérêt que cela représente pour le pilotage d’une organisation ? L’enjeu semble être encore devant nous.
2 - Point sur l’actualité nationale : retour sur le conseil d’administration d’Espac’EPLE du 15/11/19
Intervention de Sébastien WAFFLART
L’assemblée générale se tiendra au mois de mai au lycée Louis-le-Grand de Paris. Sébastien rappelle que le souhait émis par le bureau de l’association lilloise est de faire de cette rencontre parisienne le troisième temps fort de notre année. En 2019 la délégation lilloise était la plus nombreuse à l’occasion de l’AG nationale.
Le prochain séminaire national thématique aura lieu en septembre 2020 à Bordeaux et traitera de la gestion des mobilités internationales.
Avancement du programme MF²
La société Alcuin a été retenue pour accompagner les GRETA et les GIP dans la mise en place de SI2G. L’architecture de cette solution se calquera sur le processus de labellisation des organismes de formation, ce qui en fera un outil assez différent du système d’information actuel des GRETA, PROGRé. Les travaux tripartites entre acteurs de terrain, ministère et prestataire ont commencé en novembre.
Oper@ : la première version livrée est en cours de test, dans seulement six établissements à l’échelle nationale. Les retours de testeurs sont critiques : des améliorations significatives doivent être apportées avant diffusion d’une version fiable.
Op@le : C’est le vaisseau amiral du programme MF². Les premiers retours sont assez positifs. La solution proposée va révolutionner nos pratiques. Toutefois, les travaux de développement et de test sont actuellement à l’arrêt, ce qui risque de remettre en question le calendrier de déploiement.
[1] Le texte de la LOLF a été voté le 1er aout 2001, et a été de pleine application à compter du 1er janvier 2006.