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Audition d’Espac’EPLE par l’IGESR sur l’impact de la RGP

mercredi 23 août 2023

Compte-rendu de l’audition d’Espac’EPLE du 7 avril 2023 avec Mme Catherine Gagelin et M. Pascal Misery, inspecteurs généraux, dans le cadre d’une mission sur l’impact de la RGP sur le contrôle des comptes des EPLE.

Étaient présents pour Espac’EPLE : Fabien Thorel, Dominique Debec, Nathalie Merle, Emmeline Autret, Christophe Tricot et Vincent Petitgenay

À l’instar de l’AJI, Espac’EPLE a été sollicitée par l’IGESR pour un échange sur la mission confiée à l’IGESR, à savoir : « Mesurer les implications de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics sur le contrôle des comptes des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) et identifier les moyens de garantir la qualité de la gestion financière de ces structures. Ce sujet aura des répercussions sur l’organisation de la fonction financière dans les EPLE et sur le positionnement du comptable dans ce nouveau dispositif. »

À travers la question de la réforme de la RGP et sous l’angle de la qualité comptable, plusieurs questions ont été ainsi abordées :

  • diffusion de l’information et formation des personnels ; contrôle interne comptable et budgétaire
  • identité professionnelle et relations avec les ordonnateurs
  • évaluation du comptable, et au-delà, de l’ensemble des gestionnaires publics
  • moyens humains et techniques nécessaires à l’exercice de nos missions

Le nouveau régime de responsabilité entraine un changement de paradigme. À la sanction objective du comptable sur la base des pièces fournies, est substituée la responsabilité de l’auteur d’une décision à l’origine du préjudice subi par une collectivité. La notion de « préjudice grave et significatif » n’ayant pas encore fait l’objet d’une analyse juridique approfondie ni même d’une jurisprudence naissante, sa compréhension est nécessairement lacunaire.

Le caractère volontaire (malversation, détournement) de l’infraction et le volume financier ne sauraient pourtant tenir lieu de définition. A contrario, la fin de la responsabilité pécuniaire personnelle n’induit pas la déresponsabilisation de tous les acteurs de la sphère publique, en EPLE ou dans d’autres organismes.

Il importe désormais de communiquer à propos sur les exigences de cette notion et identifier ceux qui sont en situation de prendre des décisions financières et d’en assumer les conséquences.

Dans ce nouveau régime, les ordonnateurs ne disposent vraisemblablement pas de toutes les informations concernant leur rôle et leurs risques (gestion de fait, octroi d’avantages injustifiés). La formation initiale (IHE2F) mais également continue (PAF académique) devraient représenter le premier moyen pour diffuser cette culture financière juridique et managériale.

Toutefois, les contraintes tiennent tout autant de la méconnaissance des règles nouvelles que des dispositifs juridiques classiques (délégation de signature) et des techniques qui permettent une mise en évidence des rôles de chacun (contrôle interne comptable). L’organisation et la taille des EPLE mettent en évidence l’ambigüité de la fonction de l’adjoint gestionnaire, qui souvent se trouve à la croisée des fonctions d’ordonnateur et de comptable.

La question de la séparation stricte des sphères de l’ordonnateur et du comptable revient inévitablement lorsqu’il s’agit de discriminer les rôles et les acteurs dans des établissements publics comme les EPLE.

La taille des agences comptables semble conduire une majorité des collègues sollicités à souhaiter une séparation stricte, et la constitution d’équipes comptables détachées de la gestion. Pour autant le lien entre les fonctions pourrait être maintenu avec une observance stricte de l’organigramme fonctionnel, et la création du poste de chef de services financiers et de gestionnaire délégué, qui pourrait bénéficier de la délégation de signature de l’ordonnateur.

La séparation stricte des fonctions pourrait susciter l’intérêt des comptables du réseau DGFiP. Il revient notamment à l’association d’accompagner la professionnalisation du métier et pour manifester avec le contrôle interne comptable la capacité des collègues à incarner durablement cette fonction.

À cet égard, l’outil lui-même représente l’opportunité de redéfinir la responsabilité managériale et d’asseoir les obligations comme l’autorité des acteurs de ce nouveau régime commun.

L’analyse de la jurisprudence de la CDBF, rappelée par les inspecteurs, permet de mettre en évidence qu’en cas de délégation, c’est en principe la responsabilité du délégant qui est mise en jeu. Or ce principe ne peut être garanti de manière certaine dans le nouveau dispositif. On peut imaginer que les infractions commises par les délégataires n’engagent que leur responsabilité propre, dès lors que le délégant n’a pas commis de faute personnelle et a prévu des modalités usuelles et proportionnées de contrôle et d’exercice de la délégation.

Les nouveaux outils informatiques permettent d’ailleurs une identification précise de la personne ayant réalisé les opérations (côté ordonnateur comme comptable). C’est pourquoi la logique d’un contrôle exhaustif ne peut plus être retenue, et qu’il convient progressivement d’envisager un contrôle plus régulier des procédures visant à garantir la qualité de la gestion financière et un contrôle hiérarchisé des dépenses.

Dans l’état actuel du droit, une convention de partenariat avec l’ordonnateur est opposable au juge financier. Si la réforme s’inscrit dans un contexte de renforcement des marges de manœuvre des gestionnaires publics et de modernisation d’ensemble de la gestion publique, il conviendra de s’interroger sur les modalités d’un contrôle partenarial avec les nouveaux outils mis à disposition.

Cela nous amène à évoquer le changement d’identité professionnelle induit par la réforme du régime de responsabilité, et les mutations importantes affectant notre environnement. Au-delà du contrôle de régularité des pièces transmises et de la tenue de la comptabilité, le rôle du comptable penche de plus en plus vers les fonctions qui s’apparentent à celles d’experts de la comptabilité (analyse financière, analyse du fonctionnement de l’établissement sous ses aspects économique, juridique et financier, mais aussi mission de formation et conseils aux EPLE ou encore audit et évaluation).

Dans ce nouveau cadre, la question de l’évaluation que notre association porte depuis bien longtemps auprès du ministère devient encore plus aigüe, puisqu’elle vise aussi bien le comptable que l’ensemble des gestionnaires publics.

Une évaluation se fait en principe sur le fondement d’une lettre de mission assortie d’objectifs. Cela participe de la reconnaissance par l’institution de la mise en œuvre d’une politique publique (qualité des comptes) et au-delà de missions académiques (mutualisation, formation, etc.)

Peu d’entre nous disposent de lettre de mission et encore moins d’objectifs. La plupart des services académiques laissent l’ordonnateur évaluer le comptable, sous prétexte qu’il est avant tout gestionnaire.

Or notre association a justement été créée pour permettre et accompagner la nécessaire professionnalisation du métier et donner tout son sens à la séparation ordonnateur-comptable, sans pour autant négliger les ponts nécessaires entre ces deux fonctions. Il est donc parfaitement anomal que l’ordonnateur puisse évaluer un comptable, et nous souhaiterions que cette mission revienne aux secrétaires généraux d’académie en plus des contrôles opérés le cas échéant par les CRTC ou par la DGFiP.

Les inspecteurs précisent que, l’article R421-78 du code de l’Éducation reste en vigueur :

« Le contrôle de la gestion des agents comptables est (toujours) assuré par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques territorialement compétent. Les agents comptables sont, en outre, soumis aux vérifications de l’inspection générale des finances et éventuellement des corps de contrôle compétents ».

De même les CRC conservent une compétence générale de contrôle des comptes, et peuvent s’inviter au sein de nos établissements. Ceci est également rappelé par l’article R131-2 du code des juridictions financières :

« Ces comptes, ainsi que les pièces justificatives afférentes, sont rendus accessibles aux juridictions financières dans des conditions leur permettant d’exercer leurs missions, y compris en dehors de la notification de contrôles ».

Le secrétaire général peut, à la lecture de ces rapports, modifier sa lettre de mission ou ses objectifs, et rien ne l’empêche de déléguer l’un de ses personnels pour venir constater leur mise en œuvre.

De même, une demande récurrente des comptables est que les rapports d’audit des DDFiP sur le fonctionnement d’une agence comptable ne soient pas adressés aux comptables sous couvert de l’ordonnateur de l’établissement support. Il est particulièrement anormal que les défenseurs du principe de séparation ordonnateur-comptable (et qu’ils appliquent aux audits des comptables du réseau DGFiP) négligent cette séparation au moment de la transmission du compte-rendu pour les comptables d’EPLE.

Un ordonnateur n’a pas à être destinataire de l’audit d’une agence comptable. D’ailleurs à quel titre un chef d’établissement pourrait-il avoir accès à des informations relatives au fonctionnement d’autres établissements membres du même groupement comptable que lui ?

Concernant l’évaluation des autres gestionnaires publics, certains collègues jugent nécessaire que le comptable puisse participer à l’évaluation de leurs mandataires (notamment les adjoints gestionnaires). Cela permettrait non seulement de positionner le comptable en tant que responsable de la mise en œuvre des procédures de maîtrise des risques, d’inviter l’ordonnateur à échanger plus régulièrement avec le comptable (dans le cadre désormais du partage de responsabilité), et de retrouver une autorité que certains estiment mise à mal par la suppression de la RPP. Cela peut paraitre légitime au regard du pilotage du contrôle interne et de la responsabilité managériale.

Les inspecteurs suggèrent à cet égard que le plan de maîtrise des risques soit présenté en commun par l’agent comptable et l’ordonnateur au CA de chaque EPLE.

Concernant l’évaluation des ordonnateurs, celle-ci relève en principe du DASEN, mais il est extrêmement rare que les questions financières soient évoquées, et encore plus exceptionnel que l’analyse des moyens et des objectifs fasse l’objet d’une analyse.

Moyens délégués à l’agent comptable

L’échange s’est poursuivi sur la question des moyens (humains et outils) mis à disposition pour l’exercice de nos fonctions.

Il est rappelé que pour les mêmes missions, les moyens humains alloués par les académies, et parfois même au sein d’une même académie, peuvent varier du simple au double ! Notre association milite pour qu’une cartographie nationale des postes et besoins en agence comptable soit établie, prenant en compte les diverses spécificités qui peuvent exister au sein des groupements comptables, et pour une reconnaissance et un statut du fondé de pouvoir. Des ébauches avaient été élaborées dans certaines académies, mais peu ont été suivies d’effet.

Par ailleurs, une fois la cartographie élaborée, il conviendrait également de « sanctuariser » les postes en agence comptable. Ces postes sont encore trop souvent considérés par l’ordonnateur comme les variables d’ajustement du fonctionnement de l’EPLE, et les personnels sont régulièrement amenés à exercer des missions mixtes.

Il est à noter que les audits de la DDFiP sont de plus en plus nombreux à pointer du doigt le turn-over incessant dans nos structures, et le nombre d’absences non remplacées comme l’une des causes de la faiblesse de nos procédures et contrôles internes. Toutes ces « revendications » figuraient déjà comme recommandation dans deux rapports IGAENR précités (2016 et 2017).

Enfin, est abordée la question des outils informatiques mis à disposition pour l’exercice de nos missions. Si les avis sont partagés sur Op@le, tous constatent qu’à ce jour l’application n’a pas été pensée pour faire du contrôle hiérarchisé, et que sa prise en main est particulièrement chronophage, accentuant encore les problématiques de personnels évoquées précédemment.

Il est par ailleurs à craindre que le temps de formation et d’utilisation de l’outil relèguent au second plan l’ensemble des recommandations des inspecteurs généraux, ainsi que certaines nécessaires évolutions du métier.

A ce jour, l’outil est encore trop instable pour juger s’il permettra de garantir notre responsabilité et la qualité de la gestion financière des EPLE, et pour mesurer son impact dans le déploiement des bonnes pratiques. Il ne faut donc pas perdre de vue que l’ensemble des constats partagés ne pourront être mis en œuvre sans personnels en nombre suffisant, formés et compétents, et sans outils de gestion fiables.

L’échange s’est achevé par l’invitation de Mme Gagelin et M. Misery à notre assemblée générale du 15 septembre prochain, afin qu’ils puissent si possible nous faire part de leurs conclusions.